La nuit des rois
La nuit des rois de Philippe Lacôte
Par Samuel Nja Kwa / Photos : DR
Il était une fois un jeune homme, marqué par sa propre histoire et contaminé par le virus du cinéma. Né d’une mère ivoirienne, cofondatrice du Front Populaire Ivoirien (FPI) et d’un père français, dont il rejette les idées politiques, Philippe Lacôte est un enfant du cinéma des années 80. Et son cinéma s’en ressent. Des plans serrés, des vues plongeantes, une lumière minimaliste, tout est fait pour capter l’attention du spectateur.
Il était une fois un jeune, envoyé dans une prison surpeuplée, la Maison d’Arrêt et Correctionnelle d’Abidjan (MACA). Il découvre le milieu carcéral. Le chef des prisonniers, surnommé Barbe Noire, pour réaffirmer son pouvoir doit désigner une personne pour raconter une histoire qui doit durer toute la nuit pendant que la lune est rouge. Le nouvel incarcéré, surnommé Roman, raconte l’histoire de Zama King, un chef de gang, qui a assassiné de nombreuses personnes durant la crise politique de 2010.
Dans un entretien accordé au quotidien La Presse de Montréal, le cinéaste soutient que le rituel du personnage principal lui a soufflé par un ami d’enfance qui sortait de prison. « Il m’a raconté ce rituel consistant à choisir un prisonnier surnommé Roman qui est obligé de raconter, toutes les nuits, une histoire. Dans le réel, on ne le tue pas. Dans mon film, j’ai ajouté cette dimension pour ajouter du suspense. Cela rejoint aussi une histoire personnelle, car lorsque j’étais enfant, ma mère a été emprisonnée à La Maca pour des raisons politiques. J’allais la voir une fois par semaine et j’ai conservé des images fortes de ce lieu. »
Philippe Lacôte réussit la prouesse de recréer la prison à Bassam, en insistant sur les moindres détails. La nuit des rois met en exergue la survie et la lutte pour le pouvoir. Ce qui bien évidemment rappelle une pièce éponyme de Shakespeare. Loin d’être théâtral, cet huis-clos, inspiré des traditions africaines, met en valeur les performances artistiques des acteurs qui s’expriment en « nuchi » et en français.
Une co-production française, sénégalaise, québécoise et ivoirienne assez réussit, est porté par Bakary Kon, qui joue pour la première fois, avec le soutien de Steve Tientcheu.