L’ESCLAVAGE DANS LES ANTILLES FRANÇAISES ET SES SÉQUELLES
Si vous voulez savoir qui est Patrick Baucelin ? allez voir ses film. Notamment La couleur de l’esclavage, son dernier film. De passage à Cannes, au festival International du film Panafricain de Cannes, il a accepté de nous en dire plus. Rencontre.
Couleur Café : Vous venez de réaliser un film incroyable sur l’esclavage, pouvez-vous nous en dire plus ?
Patrick Baucelin : C’est un long métrage, documentaire et fiction. Il y a 222 figurants et acteurs, hommes, femmes, enfants, qui racontent la vie de ces captifs africains, mis en esclavage après leur arrivée aux Antilles. Beaucoup de gens auraient aimé savoir ce qu’ils mangeaient, ce qu’ils faisaient, où ils dormaient ? Comment ils étaient traités ? Je passe tous ces détails en revue et c’est pour cela que le film s’intitule La couleur de l’esclavage. La couleur, c’est d’abord un jeu de mots pour rappeler les hommes de couleurs, sachant aussi que la couleur de l’esclavage est une vraie palette. C’est un film assez complet, qui met en valeur le traitement de ces personnes mises en esclavage, comme des bêtes. C’était assez fort.
CC : Qu’est ce qui fait l’intérêt de ce film ?
P.B : J’ai terminé ce film en octobre 2023 et partout où il a été projeté il a reçu un bon accueil. C’est certainement le film le plus complet sur l’esclavage. Avant de le faire, je me suis documenté, j’ai lu plus de 70 livres pour arriver à en tirer le meilleur et je raconte des choses qu’on n’a jamais montré, on apprend pas mal de choses.
CC : Ce chiffre, 222, a-t-il une signification particulière ? Et comment on gère 222 personnes sur un plateau de tournage ?
P.B : Ce chiffre est dû au hasard, il ne signifie rien en particulier. Il faut surtout retenir que ces figurants, devenus acteurs, sont bénévoles. Il y a des infirmières, des médecins, toutes les catégories socio-professionnelles. J’ai mis en scène toutes ces personnes, qui se sont prêtées au jeu. Tout s’est passé presque « naturellement » chacun est entré dans la peau du personnage qu’ils ont eux-mêmes choisis, et ils sont fiers du résultat.
CC : Ce film, a été projeté au Bénin, c’était à quelle occasion ?
P.B : J’ai été invité au Bénin par le Président de la République et le Ministre de la culture pour présenter mon film qui a clôturé la manifestation officielle de la Traite et de l’abolition de l’esclavage. La projection a eu lieu à Ouidah, tout s’est très bien passé, il y a eu un échange avec le public ainsi que des invités de prestige, ce fut un moment inoubliable.
CC : En tant que Martiniquais, y présenter un film sur l’esclavage, qu’avez-vous ressenti ?
P.B : Ils ne connaissent pas trop cette histoire vue du côté des Antilles et j’étais fier de la leur raconter de mon point de vue. Les Africains ont quelque part découvert cette partie de l’histoire. J’ai compris, grâce aux échanges que j’ai eus, que ce n’est pas vraiment leur histoire. Je raconte le moment où les Africains sont mis en esclavage aux Antilles. C’est une autre étape. Ce n’est ni la traite ni le passage du milieu, je montre ce qu’il se passe dans les îles. Les échanges étaient formidables.
CC : Cette histoire particulière comment la racontez-vous ?
P. B : Je montre la vente sur les marchés, le travail dans les champs de canne à sucre, les coup de fouet, les viols, etc. C’est vraiment une histoire particulière. Il faut penser à tous ceux qui ont subi l’esclavage et qui sont dans l’habitation avec le colon. J’ai montré ce qu’il s’y passe.
CC : Et ce long métrage documentaire dure combien de temps.
P. B : 93 minutes.
CC : Et qui a financé ce film ?
P. B : Je l’ai financé par mes propres fonds, j’ai reçu des dons de particuliers, quelques entreprises aussi ont participé mais ça reste symbolique. Je n’avais pas d’ingénieur de son, on a tout fait en post-production par la suite, on s’est contenté du son caméra qu’on avait et tous les figurants sont bénévoles, ils étaient là durant tout le tournage.
C’est bien et dommage parce que les collectivités de la Martinique et de la Guadeloupe n’ont pas suivi, ni les instances culturelles, ni la Fondation de l’esclavage de la métropole. C’est tout de même incroyable, je passe les détails.
CC : On va dire que vous avez réalisé un grand film avec un petit budget
P. B : C’est vraiment un grand film avec un petit budget, je l’ai présenté dans de nombreux festivals dans le monde, à ce jour c’est 42 sélections officielles et 67 récompenses. Le film a été présenté en Suède, en Russie, en Italie, en Argentine, en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Belgique, au Bénin, aux États-Unis.