Abou Kamaté – Les challenges du MASA 2024
Le Marché des Arts et du spectacle d’Abidjan (MASA), qui aura lieu en 2024, aura à sa tête un nouveau directeur, Monsieur Abou Kamaté. Un homme dont l’expérience est reconnue sur les 5 continents. Il fait l’état des lieux du MASA et parle de sa nouvelle mission. Rencontre.
Couleur Café : Monsieur Kamaté, il y a quelques mois vous avez été porté à la tête du Marché des Arts et du spectacle d’Abidjan (MASA), peut-on dire que cette nomination est une suite logique de votre parcours ?
Abou Kamaté : Le fait d’être directeur du MASA est un honneur. Le MASA est un événement important pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique. Et je remercie les autorités ivoiriennes, notamment Madame la ministre de la Culture et de la Francophonie, pour la confiance qu’elle m’a témoignée, tout comme le Conseil d’administration du MASA, qui est constitué de l’Organisation internationale de la Francophonie et du district d’Abidjan. C’est peut-être aussi, comme vous l’avez dit, une suite logique.
J’ai déjà eu l’occasion de travailler en Côte d’Ivoire. J’ai eu aussi l’occasion d’aller dans d’autres pays africains comme le Sénégal, le Tchad. Je suis également allé en Asie et en France, toujours dans le cadre de mes responsabilités professionnelles. Mais je crois que tout ce parcours doit me ramener à un moment donné au point de départ qui est la Côte d’Ivoire. C’est donc pour moi un retour naturel, la suite logique des choses, que de venir mettre à la disposition de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique, tout ce que j’ai pu accumuler comme expérience à l’international.
CC : Monsieur Kamaté, chaque année, le MASA innove. Le changement est permanent sur tous les plans. Quelles seront les grandes innovations pour l’édition à venir ?
AK : Nous allons essayer de les aborder de façon réaliste. Un des premiers points qui me viennent à l’esprit, c’est de clarifier les axes importants du MASA que sont le MASA marché et le MASA festival. Nous nous sommes rendus compte d’une forme de confusion dans les esprits, tant au niveau des professionnels qui sont invités, que du public qui assiste à l’évènement, sans oublier les artistes.
Pour cette année, nous avons lancé deux appels distincts. Un appel pour le MASA marché, en précisant clairement qu’il était réservé aux groupes artistiques africains et de la diaspora africaine. Le MASA festival, quant à lui, concerne les groupes artistiques de partout. Que vous soyez américain, asiatique, européen, ou que vous soyez, vous avez la possibilité de postuler au MASA festival.
Autre innovation, nous avons souhaité que le comité artistique international, qui choisit les groupes qui se produisent dans le cadre du MASA marché, soit renouvelé. Renouvelé pour partir un peu plus vers une forme de parité des genres, donc une meilleure représentation des femmes au sein de ce comité artistique. Aujourd’hui, vous verrez que géographiquement, vous retrouvez dans le Comité artistique international (CAI) du MASA des représentants de l’Amérique du Nord à travers le Canada, des Américains, des Brésiliens, des Mexicains. Du côté de l’Asie, vous avez des Sud-Coréens. Vous avez du côté de l’Europe, un Français. Vous en avez aussi du côté africain bien évidemment. Une personne au Burkina, deux en Côte d’Ivoire, ce qui me semble normal. Une personne du Cameroun, une du Nigeria, du Mozambique, de l’Afrique du Sud, du Rwanda, du Congo. Ce qui vous permet aujourd’hui, quand vous regardez la carte du monde, de voir que le comité artistique du MASA prend en compte toutes les zones. Donc, aspect genre, aspect représentativité mondiale, mais aussi aspect expertise, crédibilité et réseau des différentes personnes.
L’exemple que j’aime souvent donner, parce que la dimension marché est plus que jamais au cœur de nos préoccupations, l’expert que nous avons par exemple du Brésil est le président d’une fédération qui regroupe 100 festivals au Brésil. L’idée pour nous c’est qu’en travaillant avec une sommité, avec une personnalité de cette envergure, les artistes africains puissent avoir d’autres horizons où aller se produire.
Autre innovation, nous avons souhaité que ce MASA, dont le thème est jeunesse, innovation et entrepreneuriat, fasse la part belle à la programmation jeune. Nous voulons que les artistes émergents trouvent dans notre programmation un espace pour que le public, les professionnels et les acheteurs les découvrent.
Autre chose, nous souhaitons que ce MASA fasse également la part belle aux artistes féminines avec notamment la création d’un prix féminin qui sera mis en place au prochain MASA. Elles sont importantes numériquement dans ce paysage et malheureusement, elles n’ont pas toujours la visibilité qu’elles méritent.
Le public enfant va initier cette année un village enfant. Un village qui ne sera pas dans un petit coin de nos installations, mais qui sera au cœur du Massa, de sorte que les familles, les enfants, les parents puissent aussi s’approprier l’événement. C’est de cette façon que nous allons préparer la relève en termes de public, en termes de consommateurs et donc de la culture.
La dernière innovation qui me vient à l’esprit, nous ferons en sorte que le MASA s’engage sur la question environnementale. Vous n’êtes pas sans ignorer que toutes les difficultés auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés (inondations sécheresses…), sont dues à l’activité humaine. Nous pensons que le MASA peut être un espace de sensibilisation à ces enjeux, notamment à travers le recyclage des déchets que nous allons produire pendant l’édition pour en faire une œuvre artistique. Et la création de cette œuvre sera aussi un temps de sensibilisation porté par les artistes sculpteurs, les artistes que nous inviterons à échanger autour de cette problématique avec le public.
CC : Monsieur le directeur, la Côte d’Ivoire est une plaque tournante de la culture africaine depuis les années 60-70. Peut-on dire aujourd’hui que la vision du MASA s’accorde avec celle des autorités ivoiriennes ?
AK : Je dirais qu’il y a une réelle convergence. Depuis que je suis là, cette volonté et l’implication de l’État de Côte d’Ivoire dans la réussite de la prochaine édition du MASA est visible. Notre tutelle est le ministère de la Culture et de la Francophonie, avec Madame la ministre Françoise Remarck, qui elle-même est une professionnelle du secteur. Cela facilite les échanges, puisque nous parlons de la même chose.
Elle a une vision très claire de ce que représentent les industries culturelles et créatives. Elle a commencé à soutenir ce secteur en Côte d’Ivoire bien avant d’être ministre. Je ne pouvais pas mieux souhaiter comme responsable, pour faire avancer la cause de cet événement. Pour résumer, l’État de Côte d’Ivoire est plus que jamais engagé sur le MASA, à l’accompagner. Cela transparaît dans les échanges quotidiens que j’ai avec le ministère de la Culture, mais aussi avec d’autres structures publiques.
CC : Tout n’est pas toujours rose. Votre mission, nous pouvons le dire, est délicate car il s’agit de la conduite d’un évènement d’une envergure internationale qui parfois, a eu des difficultés avec notamment peu d’acheteurs à certaines éditions. Quel est le message que vous pouvez adresser aux artistes, aux acheteurs ainsi qu’à tous ceux qui attendent cette nouvelle édition avec impatience ?
AK : Ce sont des critiques que j’entends et auxquelles je souhaite pouvoir répondre à travers la prochaine édition. Le message que je peux apporter, concerne notre volonté de faire plus, de faire mieux que les éditions passées, ce qui n’enlève absolument rien au mérite, évidemment, des devanciers. Nous souhaitons aller très loin avec cette édition en améliorant la qualité d’accueil des invités, en montrant les spectacles dans de bonnes conditions techniques, en ayant une programmation rigoureuse, en ayant un comité artistique irréprochable et crédible.
Autant de choses que nous allons faire pour que le MASA continue d’attirer, pour qu’il soit l’événement où l’on se rend sans hésiter pour les prochaines éditions.
CC : Votre message à l’endroit de ceux qui viendront d’ailleurs ?
AK : Le message est tout simple. Venez, venez, venez. Nous travaillons d’arrache-pied pour vous accueillir dans de bonnes conditions, pour faire en sorte que vous voyez le meilleur de la création africaine, pour faire en sorte que vous puissiez, pour le professionnel, venir faire des affaires. Les Arts du spectacle est un secteur économique à part entière. Nous l’avons en tête. Nous allons faire en sorte de démontrer aux yeux et du public et des décideurs dans les différents pays qui vont se déplacer ici qu’ils ont intérêt à investir dans le secteur du spectacle parce que c’est un secteur qui est pourvoyeur d’emploi. C’est un secteur qui crée de la valeur. C’est un secteur qui peut absorber aujourd’hui une bonne partie du chômage auquel nos pays sont confrontés. Et surtout, c’est un secteur où les jeunes s’expriment et s’expriment sans bornes.
Propos recueillis par Mory Touré
Pour plus d’informations :
MASA du 13 au 20 avril 2024 à Abidjan.