Chef Anto, Une cuisine qui nous rassemble
Anto Cocagne, appelée Le Chef Anto, est d’origine gabonaise. Née d’un père ingénieur et d’une mère nutritionniste, elle a toujours rêvé de fourneaux et de créations culinaires.
Suite à des études d’Arts culinaires et de nombreux diplômes en France, elle explore d’autres horizons de son arts en intégrant la culinary Arts School de l’université Johnson & Wales, à Provence, aux États-Unis. Après de nombreuses expériences auprès de Chefs et de grandes Maisons en France, elle s’installe à son compte et donne à la cuisine africaine des saveurs universelles. Rencontre.
Le Chef Anto est votre surnom, pourquoi “Le” et non « La »?
Anto signifie « Femme, féminin » dans ma langue maternelle l’Omyènè. Le Chef Anto c’est pour dire le chef au féminin.
Vous avez un parcours impressionnant : Le lycée hôtelier Lesdiguières, l’École Supérieure de Cuisine française Grégoire Ferrandi à Paris, puis la Culinary Arts School de l’Université Johnson and Wales à Providence aux Etats-Unis, vous êtes bardée de diplômes, j’en oublie sûrement, qu’est-ce qui vous a motivé ? Pourquoi ces choix et qu’en avez-vous retenu ?
Honnêtement, s’il fallait recommencer, je me serai contentée d’un CAP. Le problème, lorsqu’on a grandi en Afrique, c’est que l’on nous éduque à avoir beaucoup de diplômes pour pouvoir justifier notre valeur, alors que cela ne veut rien dire. A cette époque je ne le savais pas, et donc pour rassurer papa, maman et moi-même, j’ai suivi diverses formations, qui me sont certes utiles aujourd’hui. Mais j’aurai pu gagner du temps en apprenant directement en entreprise.
Après avoir fait le tour du monde en cuisine, vous vous tournez vers la cuisine africaine, où l’avez-vous apprise ?
J’ai grandi en Afrique, au Gabon plus précisément. J’ai commencé à cuisiner à l’âge de 9 ans avec, ma mère, ma grand-mère, mes tantes. Lorsque je suis arrivée en France, mon projet initial était d’allier mes connaissances sur la cuisine du Gabon, avec les techniques modernes de la cuisine française.
Et c’est ce que je fais aujourd’hui, en plus du Gabon, j’ai eu l’occasion de voyager à travers l’Afrique du nord, de l’ouest, de l’est et centrale. J’utilise ce que j’ai appris lors de ces voyages pour nourrir mes créations culinaires.
Votre maman est nutritionniste, cela vous a-t-il influencé ?
Oui bien sûr. C’est surtout grâce à elle que j’ai découvert que nous avions des plats nutritifs, équilibrés, qui pouvaient s’adapter à n’importe quel régime alimentaire et n’importe quel porte-monnaie.
Faites-vous une cuisine africaine avec une touche française ou une cuisine française avec une touche africaine ? Comment définissez-vous votre cuisine ?
(Rires) Ma cuisine est une cuisine panafricaine traditionnelle travaillée de façon moderne.
Panafricaine parce que les frontières des pays africains n’ont pas été posées par les africains. Avant ces frontières, nous avions des royaumes, des empires, et nos différentes cultures partageaient beaucoup de recettes. Ce qui explique que le mets de pistache du Cameroun, on le retrouve au Gabon ou en Guinée équatoriale. J’ai donc décidé de mettre en avant dans mes plats les produits qui nous rassemblent plutôt que les frontières qui nous divisent, alors qu’au commencement il n’en était pas ainsi.
Peut-on dire que c’est une cuisine qui vous ressemble ?
Oui bien sûr. Cuisiner est un moyen d’expression, c’est un métier artistique. C’est un moyen de communication, de partage et de rassemblement. Tout ce que je suis.
Y-a-t-il des ingrédients qui reviennent souvent dans vos créations ?
Le manioc ! c’est mon ingrédient préféré. D’ailleurs, je refuse de croire les écrits qui disent qu’il est arrivé chez nous lors de l’esclavage. C’est un produit versatile, on peut tout faire avec, en sucré en salé, fondant, croquant, séché, fermenté, fumé, on peut tout faire avec le manioc.
Votre façon de travailler, de créer votre carte a-t-elle évolué ? comment ?
Oui ma façon a évolué ; j’ai appris à travailler des produits que je ne connaissais pas, comme certaines épices d’Afrique de l’ouest, et à cuisiner des produits que culturellement je ne mange pas, comme les escargots, les chenilles ou les criquets.
Vous êtes la présidente du festival “We eat Africa”, la directrice artistique du magazine culinaire “Afro Cooking”, vous réalisez des livres de cuisine, on vous voit aux côtés des grands noms de la cuisine française, où trouvez-vous le temps ?
Le maître mot est l’organisation, sans cela, difficile d’en faire autant. Ensuite il y a l’entourage, avoir des personnes sur lesquelles on peut compter. Déléguer certaines tâches est aussi important.
Quelques mots sur le livre Goût d’Afrique. Qui en a eu l’idée et qu’est-ce qu’on y trouve ?
En 2018 j’ai été contactée par Aline Princet, photographe culinaire pour plusieurs maisons d’édition, qui a photographié des plats de divers continents mais aucun d’Afrique subsaharienne. Elle m’a donc demandé si je souhaitais écrire un livre de recettes, parce qu’elle serait ravie de me mettre en relation avec une maison d’édition. Ce que j’ai fais avec grand plaisir. Dans « Goûts d’Afrique », on trouve des recettes traditionnelles, dont certaines travaillées de façon moderne, des créations culinaires notamment dans les desserts, et des conseils de chef pour chacune d’elle.
Quel est votre plat africain préféré ? Pouvez-vous nous en donner la recette ?
Je n’en ai pas. A chaque fois que je pense qu’un plat est mon préféré, j’en découvre un qui le supplante.
Pour la recette, je vous partage une recette apprise avec ma grand-mère, les accras de manioc. Accras vient du mot Yoruba Akara, qui signifie beignet. Le manioc frais est un produit qui se détériore vite, car il contient beaucoup d’eau. Ainsi, les africains ont imaginé différentes recettes pour consommer cette racine.
RECETTE Accras de manioc (apéro/entrée)
Ingrédients pour 6 personnes : (environ 40 accras)
3 gros tubercules de manioc
½ cc de poudre de crevettes fumées 2 gousses d’ail
1/2 échalote 4 œufs
Herbes fraiches (persil, cerfeuil et/ou coriandre) Sel et Poivre
50 cl Huile de friture Piment (Optionnel)
Préparation
Lavez et épluchez les tubercules, les râper à l’aide d’une râpe à petits trous pour avoir de fins filaments de tubercules.
Égouttez le manioc râpé à l’aide d’un torchon propre.
Dégermez l’ail et l’écraser. Ciselez l’échalote et les herbes fraiches.
Coupez les crevettes en morceaux.
Dans un saladier, mélangez le manioc râpé, les œufs, l’ail, les herbes et les crevettes Salez et Poivrez.
Dans une casserole, mettez l’huile à chauffer.
A l’aide d’une cuillère à café faites des petites quenelles et mettez-les dans l’huile chaude.
Les conseils du chef
En tapas, en entrée chaude, ces accras sont à déguster bien chauds nature, avec une salade de crudités ou accompagnés d’une sauce tomate relevée