Chico César se pare d’Amour

Le 23 septembre prochain sort Vestido de Amor le prochain album du Brésilien Francisco César Gonçalves. Un album à travers lequel l’artiste évoque son amour pour l’Afrique, pour le Brésil tout en dénonçant les injustices, la destruction de la planète et les guerres.

Chico se souvient de ses débuts, il y a 28 ans, et pose son regard sur l’évolution du monde et de sa musique. Rencontre.

Couleur Calé : De « AOS VIVOS », votre premier album jusqu’à ce jour, qu’est ce qui a changé ?

CHICO César : Tout a changé. La vie a changé, le monde a changé, moi, j’ai changé. « AOS VIVOS » est un disque acoustique : voix et guitare, enregistré dans un concert en live d’un artiste que personne ne connaissait, qui n’avait jamais enregistré un album.  28 ans de carrière après, ma discographique s’est enrichit de 10 albums. J’ai plus de convictions, jouer de la musique est mon métier et tous les jours, j’ai envie de faire mieux.

 C. C : Vous avez beaucoup voyagé, appris de vos voyages, vous avez rencontré d’autres artistes et vous vous êtes tourné vers l’Afrique, quelle en est la raison ?

C. Cesar : Je suis issu de la diaspora africaine et j’aurais aimé aller plus en Afrique. J’ai eu l’opportunité d’aller au Cap-Vert, en Afrique du sud et au Sénégal. J’aimerais aussi aller au Cameroun, au Congo, en Angola, au Mozambique, en Guinée Bissau. D’une certaine manière l’Afrique vient beaucoup plus vers moi que moi vers elle. Depuis mes débuts, ma musique parle de l’Afrique. La musique m’a emmené sur tous les continents mais mon cœur est au Brésil et en Afrique.

C. C : La musique vous a aussi permis de mieux vous connaître

C. S : Oui, la musique est la meilleure chose qui me soit arrivée. Elle me donne une place dans le monde, une place en tant que personne, elle me permet de comprendre qui je suis, et de rencontrer beaucoup de bonnes et belles personnes généreuses.

C. C : Vous avez joué avec Ray Lema et Salif Keita, comment a été enregistrée la chanson SobreHumano ?

C. S : Je connais la musique de Salif Keita depuis 1991. C’est une musique qui m’a beaucoup influencé, qui m’a en quelque sorte permis de mener à bien mon travail d’auteur chanteur dans un groupe de musique pop. Je n’étais pop que d’une certaine manière à mes débuts. Salif Keita l’était avant moi, il disait : « c’est possible, on a le droit d’être pop ». Ensuite j’ai eu de nombreuses occasions de rencontrer Salif Keita au Brésil, quand je suis venu jouer à Paris, au New Morning. Dans une chanson intitulée À Primeira Vista, je dis : « Quand j’ai entendu Salif Keita, j’ai dansé, quand J’ai entendu Prince, j’ai dansé ». J’ai mis Salif Keita au même niveau que Prince et dès que j’ai fait le titre SobreHumano je me suis dit : Wow, cette chanson a beaucoup à voir avec Salif et je souhaite qu’il vienne enregistrer avec moi. Il a accepté de bon cœur, c’était beau de le rencontrer en studio.

J’ai retrouvé mon frère Ray Lema dans les années 90, nous sommes de très bons amis et chaque fois qu’il va au Brésil, nous avons le plaisir de nous retrouver. Il a déjà séjourné chez moi. Nous nous revoyons toujours et dînons souvent ensemble. Il est très important d’aller au-delà de la musique, nous avons vraiment un sentiment de fraternité, nous sommes comme des frères.

C. C : Vous avez intégré de nombreux instruments africains dans votre musique, dont la kora.

C. S : Oui, parce que la musique du Nord-Est (je suis du Nord-Est du Brésil) a un espace mélodique, harmonique, qui dialogue avec la musique africaine. Ce mariage est possible. Ray Lema m’a dit un jour que l’artiste le plus africain au Brésil est Luis Gonzaga.  C’est le roi de la musique du nord-est, donc le nord-est du Brésil et l’Afrique peuvent communiquer. Ce sera toujours un mariage parfait.

C. C : Dans la chanson avec Ray Lema, XANGO FORRÓ E AI, de quoi est-il question ?

C. S : Cette chanson rappelle que tout ce que les Africains ont apporté au Brésil est encore présent aujourd’hui dans nos vies en tant que Brésiliens noirs, et en particulier ceux du nord-est. Lorsque Ray Lema m’a dit que Luis Gonzaga était le plus africain des artistes brésiliens, ça m’a inspiré cette chanson, qui montre que les Noirs du Nord-Est du Brésil, sont attachés à l’Afrique. Notre principale manifestation culturelle est le Forró, et toutes les grandes idoles du Forró sont noires.

C. C : Au Brésil il est toujours question de l’esclavage, cette question est-elle réglée ?

C. S : Non. Au Brésil, pratiquement chaque semaine, on découvre des personnes soumises à un régime similaire à celui de l’esclavage. Des gens qui ont travaillé pendant 60 ans, enfermées dans une petite chambre. Il y a aussi le déni de droits du travail, un retour à l’esclavage en quelque sorte.

C. C : La solution est-elle Politique ?

C. S : La solution est politique. En fait, notre gouvernement qui n’a aucun respect pour les libertés démocratiques, la diversité humaine et la diversité raciale. Il objective les Noirs, les femmes, traite les indigènes comme des objets, c’est un gouvernement sans état d’âme, élitiste, néo-fasciste. La solution est politique et elle viendra sera tangible en octobre. En 2023, le Brésil se regardera et regardera le monde d’une manière différente, et le monde nous verra également d’une manière différente.

C. C : Votre musique éduque, conscientise la population

C. S : La population a été oubliée par la presse pendant un moment. La presse s’est à nouveau réveillée. Les artistes ont utilisé leurs propres réseaux sociaux, leurs chansons, leurs espaces pour exprimer cette indignation face à la situation politique dans le pays. D’une certaine manière, j’ai fini par être un porte-parole.

Une dernière question, vous avez beaucoup plus de cheveux que lorsque vous étiez jeune, que s’est-il passé ?

C. S : Plus il y a des idées, plus il y a des cheveux qui poussent.

A paraître :

Chico César Vestido de Amor, Zamora, 2022

Concerts le 13 octobre 2022 à Marseille et le 14 octobre 2022 au Café de la danse (Paris)

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