FABRICE FILIN, LE GOÛT DU TERROIR

Par Samuel Nja Kwa / Photos DR

Inspiré par son terroir et son patrimoine, le Maître pâtissier-chocolatier martiniquais Fabrice Filin ne cesse d’innover. Chacune de ses créations est l’illustration de son identité africaine et indienne. Son concept, « Léritaj Mwen », est le fruit de sa quête. Rencontre.

Comment êtes-vous devenu pâtissier ?
Je n’arrivais pas à trouver ma voie à l’école. Lorsque je suis arrivé en 3e, mon père m’a demandé ce que je voulais faire, je lui ai répondu soit l’armée, soit l’école du chocolat. Étant donné que je ne pouvais pas faire les deux, j’ai choisi l’armée où je me suis engagé pendant 4 ans. J’ai donc été popotier à l’armée et je gérais toute la partie alimentaire. Lorsqu’on allait en mission, je m’occupais des rations. Pendant mes deux dernières années, j’étais dans le civil où je travaillais sur mon projet de chocolatier. J’ai prospecté, j’ai fait le tour de France comme le font les compagnons. J’ai fait des saisons, ensuite je suis allé travailler en Irlande dans un hôtel 2 étoiles où j’avais plus de moyens financiers, ce qui m’a permis d’entrer à l’institut Paul Bocuse.
Il faut aussi savoir que ma grand-mère était cuisinière, elle gérait un restaurant à Fort-de-France, on y mangeait très bien, c’est aussi de là que c’est parti.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux produits de votre terroir et à votre patrimoine ?
En 2010, je me suis retrouvé à Zurich où je m’occupais de la partie pâtisserie d’une grosse « boite », et lorsque j’ai commencé à préparer le concours du meilleur Ouvrier de France, j’ai décidé de rentrer en Martinique. Ma maman étant diabétique, j’ai commencé à faire de la recherche à partir des matières premières et c’est à ce moment que j’ai trouvé le bon équilibre.

Comment sélectionnez-vous vos produits ?
Mes origines sont indiennes et africaines, c’est ce qui m’inspire. Je me suis souvenu que ma grand-mère me faisait du gombo et me suis dit qu’il y a des choses à faire avec. On peut torréfier le gombo avec un chocolat ivoire. On peut partir de tout et de rien. Tout n’est pas forcément écrit dès le départ. Mes 25 années d’expérience m’ont permis d’acquérir une palette gustative imprimée dans le cerveau.

Est-ce à dire qu’on pourrait aussi bien utiliser des fruits que des légumes ?
Bien sûr ! Par exemple, la christophine, que nous appelons chayote, (Ndlr : De la famille des cucurbitacées au même titre que les melons ou courgettes), peut être développée en dessert. Le poivron aussi, ainsi que l’artichaut. Notre philosophie est de mettre en avant notre terroir africain, indien et caribéen.

Avez-vous une préférence particulière pour un fruit ou un légume ?
J’aime bien le corossol comme fruit, ainsi que la banane jaune comme légume, qui est assez complexe en termes de goût et à travailler, c’est un produit universel. Le corossol est très acidulé, on peut l’utiliser comme un citron, avec du chocolat. Je trouve intéressant de mélanger ces 2 produits.
Pouvez-vous nous parler de votre dernière création ?
Nous travaillons avec un agriculteur qui cultive de la canne à sucre et qui a trouvé une espèce suffisamment gorgée en sucre que nous avons transformé en caramel, sans sucre ajouté. Nous avons créé une pâte à tartiner dont les arômes sont naturels. Cette canne à sucre se cultive sur une terre volcanique. Pour créer cette pâte à tartiner, il y a trois ingrédients : Le jus de canne, une crème et de l’amidon naturel. Ce produit est breveté, tout est protégé. Il est avant-gardiste et sera bientôt commercialisé. Nous sommes sur un marché haut de gamme, ce qui nous permet de valoriser notre terroir. Je veux que tout le monde puisse se faire plaisir, c’est un « caviar » abordable. J’aimerai aussi développer ce produit en Afrique.

Où peut-on acheter vos produits aujourd’hui ?
Nous avons fermé nos points de vente à cause de la Covid-19. Nous sommes en train de sélectionner différents points de vente comme Le Printemps, les galeries Lafayette, le Bon Marché, les aéroports, d’autres points de vente en Martinique aussi. Nous travaillons sur nos futurs points de ventes qui ouvriront en 2022.

Vous êtes très attaché à votre héritage, aux questions de transmission, de création identitaire, êtes-vous un Maître-pâtissier militant ?
J’ai eu l’occasion de côtoyer des financiers américains et canadiens qui m’ont beaucoup apporté. Être militant ne veut pas dire prendre des armes. Nous récupérons notre richesse intellectuelle pour la mettre en œuvre. Je suis né en Martinique, j’ai grandi à Paris, ma mère est originaire de Calcutta, mes parents viennent d’Afrique et je me demande comment je peux transmettre tout mon bagage ? J’ai compris que c’est à nous de transformer notre patrimoine et trouver notre équilibre. Je me sers de cet équilibre pour être militant dans mon domaine et parler de mes racines. Je n’exclue pas Paris, ni l’armée parce que c’est là où j’ai appris mon savoir-faire, mais ce n’est pas mon identité. J’ai grandi dans un quartier populaire en Martinique, et pour transmettre aux jeunes, ils ont besoin de réalité. Je ne demande pas à tout le monde d’être pâtissier, mais je dis que nous avons tous une mission qui peut être d’améliorer le mental des gens, leur bien-être.

RECETTE

Ingédients pour environ 20 cookies :

  • 125g de beurre demi sel mou
  • 70g de miel (saveur au choix)
  • 1 oeuf
  • 175g de farine 
  • 1 cuillère à café de levure
  • 200g de pistoles de chocolat noir ou au lait
    • Battre le beurre mou avec le miel jusqu’à obtention d’un appareil bien crémeux.
    • Incorporer l’oeuf puis la farine et la levure tamisée.
    • Ajouter les pépites de chocolat  puis mélanger pour qu’elles soient uniformément réparti dans la pâte
    • Laisser reposer au frais pendant environ 1 heure.
    • Préchauffer le four à 170°C.
    • Réaliser des grosses boules de pâtes puis les déposer sur une plaque en les espaçant bien.
    • Cuire pendant 12 minutes. 
    • Laisser refroidir avant de les décoller de la plaque.
    • Enjoying

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