Jean K Jean, l’héritier tout désigné de l’immense Chris Seydou
“Je fais de la haute création, une création qui passe par l’espace, le temps, ainsi que les quatre éléments de la nature”
Etoile filante de sa génération, Jean K Jean est l’un des rares créateurs malien à s’imposer sur la scène internationale. Son univers, détonne par ses propositions innovantes. Autant que les saisons dessinent son engagement pour son art, elles forgent l’image de ce jeune créateur aux ciseaux d’or. Nul doute que cet Ex étudiant du conservatoire Arts et Métiers Mutltimédias Ballafaseké Kouyaté de Bamako, mention chorégraphie fascine par son univers ultra moderne, alliant tradition et modernité pour le bonheur de sa clientèle à travers le monde. Lorsque ce fruit mûr de la biennale artistique et culturelle de 2003, 2008, 2005, 2010 pour la région Sikasso, n’est pas sur la scène de la danse contemporaine, on le trouve dans son atelier en train de créer des pièces de collection. Jean K Jean emboite les pas du chantre de la mode au Mali, Chris Seydou. Chaque pièce transpire l’emprise du maître sur l’élève. Le PDG et le Directeur artistique de JKDRESSING, nous a reçu dans son atelier de Badalabougou, où il modèle avec passion la femme malienne du 21e siècle. Belle, tradi-moderne et assumée, en innovant des étoffes nobles comme le bogolan, le pagne tissé, des tissus bio, issus de teinture setacolor, des couleurs naturelles et végétales comme l’indigo, le ngalama, ou le sorobilen.
Couleur Café : Comment êtes-vous venu à la mode ?
Jean K Jean: Je peux dire sans manquer de modestie que je suis la mode (rire). Enfant, lorsque nous partions à l’école avec mes frères et sœurs, pour la “petite histoire”, j’étais en 3e année de l’école primaire (niveau CE2), au moment de faire les devoirs, je découpais les livres d’apprentissages en petites robes, tops ou jupes. C’était, sans le savoir, mon premier atelier créatif. Je découpais toutes les pages et faisais mes modèles. Je devais avoir 8 ou 9 ans, en somme, je pense que j’ai toujours été dans la mode. Je harcelais mes sœurs pour qu’elles me laissent faire des croquis
CC : Vous venez initialement de la danse, quels souvenirs gardez-vous de ces années d’apprentissages?
JKJ : Après la biennale artistique et culturelle du Mali, boosté par les bonnes critiques de mes professeurs, je me suis inscrit au concours d’entrée au conservatoire en 2008 et parallèlement j’ai travaillé avec Kettly Noël, la chorégraphe haïtienne qui avait installé sa compagnie et son festival Dense Bamako Danse au Mali. J’ai travaillé durant 4 ans avec elle, j’étais son assistant de gestion, de comptabilité. On a fait le Festival Dense Bamako Danse ensemble, où j’ai porté le festival en 2013 et 2015, à ses côtés. J’ai pu bénéficier d’une formation sur la coordination d’événements de danse et de festival en Allemagne. Après mon expérience à Donko Seko, je suis rentré et j’ai brusquement arrêté de danser. Je suis remonté sur scène en 2021 pour ma pièce.
CC : Revenons à la mode, vous revenez vers la mode, est-ce un retour aux premiers amours ?
JKJ : Oui absolument. J’ai été embauché pour gérer une maison de couture, AfroFashion dirigée par Mounish. Je faisais le lien entre elle et les tailleurs. J’ai toujours cette fibre de créateur de mode en moi mais je ne travaillais pas vraiment. C’est véritablement en 2017 que j’ai pris la décision d’être designer lorsque j’ai travaillé comme bénévole pour la créatrice Adama Paris à la Dakar Fashion Week. Lors de cette collaboration, j’ai eu le déclic et j’ai décidé de lancer ma propre marque, JK dressing. « J » pour mon prénom Jean et « K » pour Kassim. Dressing est le lien qui montre ce que l’entreprise fait. Je voulais créer ma marque pour les danseurs, les chanteurs, les artistes et non pour le grand public. Mes collections sont un peu décalées par rapport à la norme. C’est le lien que je fais entre la danse et la mode.
CC : Vous restez fidèle à la danse et à la mode, comment faîtes-vous justement le lien ?
JKJ : Concernant la connexion entre la danse et la mode, elle est très grande, parce que ma création ne se limite pas qu’aux vêtements. La collection Naréna Solo par exemple reflète la culture donso, les pensées, savoirs et thématiques liés à cette confrérie. Le travail d’un danseur contemporain ou du danseur traditionnel est de prendre une thématique purement traditionnelle pour créer une nouvelle pièce. L’art en est la continuité. Prenons un thème purement traditionnel, la collection pyjamas story illustre le mouvement des pyjamas, les tenues que les femmes portent pour leur soirée nuptiale selon nos tradition. L’artiste déplace et transpose des concepts. Je déplace des éléments vers un espace, dans lequel je m’amuse à créer. Le lien c’est la fluidité entre le corps, le mouvement et l’espace. Quand je travaille sur une collection tant que le tissu ne me parle pas, tant qu’il ne danse pas avec moi, je ne suis pas inspiré.
CC : Comment définissez-vous vos collections ? Qu’est-ce qu’elles vous inspirent aujourd’hui ?
JKJ : Toutes mes collections sont fluides, depuis la toute première, N’golo. Il y’a eu pyjama story, Vie-time ; ensuite ligne de wax, après bonjour, a suivi Egypte chic, après il y’a eu Hello, puis Narena Solo, Tonton jean, ainsi que Sabot. Il y a également eu Sankaba 223, oh Le cri de seydou, qui est un hommage à l’icône Chris Seydou. J’ai réalisé 14 collections depuis la création de ma marque. Toutes ces collections dansent, parce qu’à chaque fois que je fais une collection, j’essaye de trouver la musique qui lui l’habille, les accessoires, les personnes qui pourraient les incarner pendant le shooting. Je fais de la haute création, une création qui passe par l’espace, le temps, ainsi que les quatre éléments de la nature.
Propos recueillis par Dia Sacko