LE RETOUR AUX SOURCES DE DAVID JACOB
Reconnu comme le bassiste du groupe mythique de rock Trust depuis 1996, David Jacob dévoile une part de sa personnalité à travers Ouida Road, son premier album. Entouré de Hakim Molina à la batterie et Nicolas Noël au piano, ils nous embarquent sur la route de Ouidah, en passant par Le Havre et Paris. Attention les secousses.
Couleur Café : Ton jazz m’a ramené au bebop des années 1960, est-ce une période qui t’a influencé dans ta création ?
David Jacob : Oui j’aime aussi la période hard-bop et cool-jazz. Mon premier instrument est la trompette. J’ai commencé comme trompettiste et le premier album qu’on m’a offert était celui de Miles Davis. J’aime aussi la musique classique, Ravel, Debussy, kind of blue de Miles, je trouve qu’il y a beaucoup de concordances entre le piano et les harmonies. En étudiant la musique, j’ai compris que Bill Evans était un grand amoureux des compositeurs français, tout comme Miles Davis. C’est l’une des raisons pour laquelle j’affectionne leurs œuvres. En vérité, j’ai toujours été baigné dans cette musique, et cet album me raconte, c’est le jazz que j’ai envie de faire.
Couleur Café : Lorsqu’on écoute Yacouba Trio, le rythme et la mélodie sont essentiels.
David Jacob : Parce que j’aime la mélodie. C’est le support des paroles lorsqu’on écrit une chanson. La mélodie va amener l’émotion, j’ai essayé de créer des notes de mélodie qui mettent en avant ce que je ne pouvais pas faire avec la voix. C’est un album instrumental et la mélodie est très importante.
Ça se ressent dans ton jeu sur ta contrebasse, tu crées des mélodies qui se retiennent
C’est le but recherché. Je voulais des mélodies qui peuvent se retenir et qu’on peut chanter.
Dans Ouida Road, ton album, il est souvent question de Ouidah, du Benin. Peux-tu m’en dire un peu plus ?
Il y a eu une période dans ma vie où j’ai eu la chance d’accompagner le chanteur ougandais Geoffrey Oryema. Grâce à lui que j’ai pu jouer en Afrique. Lorsque nous sommes arrivés au Benin, j’avais la sensation, en étant sur le tarmac de l’aéroport, d’être comme à la maison. Lorsqu’on m’explique l’histoire du dernier Roi Behanzin, qu’on a exilé en Martinique, j’éprouve des sensations fortes. J’ai eu la chance de pouvoir faire la Route des esclaves, d’aller jusqu’à Ouidah et de faire tout le cérémonial que faisaient les esclaves avant d’embarquer. Tout cela était touchant et bouleversant. Pouvoir aussi échanger avec des musiciens béninois, comme John Arcadius, Maestro Mechac Adjaho qui joue de la flûte à bec, qui me disent avoir le sentiment qu’ils m’ont toujours connu, était aussi touchant. Lorsqu’il y a quelques années, mon frère de sang me révèle avoir fait des tests ADN et découvert que nous somme Béninois à 25%, tout ce que j’avais vécu au Benin prenait du sens. Je suis un descendant d’esclave, mon père est Martiniquais ainsi que mes ancêtres, mais nous sommes d’origine béninoise. Pour qu’un arbre pousse bien, il faut qu’il ait de bonnes racines. D’un seul coup, je me suis senti soulagé, mes racines étaient là. Raison pour laquelle cet album s’intitule Ouida Road, sans le H de ouidah, parce que mes copains m’appellent Daoud, on y trouve aussi des lettres de David. Cet album est mon chemin de vie.
Tu as une grande expérience dans la musique, tu as étudié aussi bien de la musique classique que du jazz, tu joues du rock, tu reviens au jazz, ton parcours est fait de va-et-vient.
Effectivement, tout jeune vers l’âge de 7 ans j’ai commencé par le conservatoire où j’ai étudié la musique classique, puis je suis passé au rock, et au jazz.
Je suis un Havrais d’origine antillaise, Le Havre est aussi une ville où le rock prédomine. Je suis né dans une maternité qui s’appelle Colmoulins, dont le nom rappelle celui d’une famille esclavagiste qui a joué un rôle dans le commerce triangulaire. On trouve l’une des plus grosses communautés antillaises au Havre. J’ai grandi en écoutant du rock’n’roll, mes copains écoutaient du rock, c’est la ville de Little Bob, qui continue encore à faire des concert, i y a aussi cette proximité avec l’Angleterre qui fait qu’on écoutait souvent du rock anglais, certainement plus que de la musique américaine. J’ai fait partie de plusieurs groupes de rock et lorsque j’ai rejoint le groupe Trust, c’était déjà ma culture. Lorsque j’avais 14 ans, mon premier album était celui de Trust. Le cheminement me paraissait normal, je retrouve les mêmes racines, noires et occidentales. J’aime la musique.
La majorité des titres de ton album sont en anglais
Il y en a aussi en français, L H pour Le Havre, Lily c’est ma compagne, Station Stalingrad pour mon côté Parisien et Why Tea qui est un jeu de mot, est un morceau hommage à Yves Torchinsky, mon professeur, j’aime les jeux de mots.
Lorsqu’on observe le visuel de cet album, on perçoit quelques éléments, comme la terre…
Pas seulement la terre, il y a aussi le triangle, qui symbolise le commerce triangulaire, avec une pointe vers l’Europe, une autre vers le continent africain et une autre vers les Caraïbes. C’est aussi mon histoire. Le triangle a trois côtés et mon groupe est un trio. Je n’aurais pas pu faire cet album sans Hakim Molina à la batterie, Nicolas Noël au piano.
Ce sont tes compagnons de route, à l’écoute de votre musique, on y ressent beaucoup de complicité.
On se connait depuis plus de 20 ans. Lorsque j’ai écrit ce projet, je voulais le faire avec des gens que j’aimais humainement. Ce sont d’excellents musiciens avec lesquels je sais que je ne vais jamais m’ennuyer. Il y a une vraie complicité, ils sont très à l’écoute et il n’y a aucun problème d’égo. On peut se parler clairement.
Propos recueillis par Éwané Nja Kwa
Quelques dates :
31 juillet 2025 Le Fury’Bar, Rouen (76)
09 août 2025 Jazz au Club House, Tennus Club, Veules-les-Roses (76)
12 août 2025, Les Musical’Ile, l’Ile Tudy (29)
17 octobre 2025, Centre culturel Juliobona, place Pierre de Coubertin, Lillebonne (76)
8 novembre 2025, Manoir d’Argueil (76), Concert privé
16 mai 2026, Festival Jazz au Confluent, Conflant-Sainte-Honorine (78)
Pour plus d’information : www.yacoubatrio.com