Marc Alexandre OHO BAMBE
Jazz, poésie et romance
Poète, écrivain et slameur Camerounais, Marc Alexandre Oho bambe, aka Capitaine Alexandre, est un auteur prolifique. D’un écriture douce rythmée et entrainante, il a l’art de se réinventer et de nous entrainer dans son imagination-réelle et inventive. Il revient au-devant de la scène avec son dernier ouvrage intitulé Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé. Toute une histoire qu’il nous raconte.
Couleur Café : Comment est née l’idée de ton nouveau livre ?
Marc Alexandre Oho Bambe : C’est un livre que je porte en moi depuis très longtemps. Tout vient des vinyles de mon père, que j’appelais « soleils noirs » lorsque j’étais enfant. Les disques m’inspiraient cette image. Il y a 20 ans, j’avais écrit un texte que je rappais, reprenant cette image en titre “soleils noirs”, en hommage à mon père. J’ai commencé à écrire ce livre il y a 3 ans. Mon roman questionne l’imprescriptible tâche paternelle et rend hommage à mon père qui m’a fait découvrir le jazz, cette musique monde que je célèbre également dans ce texte.
CC : Tu as une écriture très rythmée, tu mêles la poésie à la narration, est-ce un roman-poème ou un poème romancé ?
MAOB : Je fais partie des artistes qui considèrent qu’en tant que tel, on est toujours dans une phase de recherche. Rien n’est figé, on fait des propositions, on se cherche et parfois les autres nous trouvent. Je n’intitule pas mon style d’écriture, j’aspire à la poésie depuis toujours et quel que soit le genre littéraire dans lequel je me pose. Est-ce qu’il y a de la poésie dans mon œuvres ? C’est aux lecteurs de trouver le mot final. Je ne peux pas écrire sans cette aspiration à la poésie. Lorsque j’écris, je ne recherche pas un genre particulier, j’écris une histoire et j’aspire à la poésie. Dans le cas précis je parle d’amour et il m’est impossible de parler d’amour sans poésie. C’est ma manière d’habiter le monde. Et pour finir de répondre à ta question, parfois on écrit aussi les textes qui nous manquent.
CC : Alors est-ce une histoire d’amour sur un fonds jazz ou est-ce une histoire de jazz sur un fonds d’amour ?
MAOB : Otis Redding a écrit : Try a little tenderness…”, Duke Ellington nous suggère de vivre “In a sentimental mood”, on ne peut pas séparer les deux. Lorsqu’on écoute Chet Baker, on ne peut pas distinguer le jazz de l’amour, idem pour John Coltrane et « Love supreme ». Il y a l’amour de la musique, l’amour de la vie, ou l’amour d’un Être. Le jazz rassemble, c’est l’engagement des musiciens, la pulsation de vie, le lutte contre la ségrégation, les droits civiques et il y a cette chose essentielle, l’amour. Cette musique est Amour.
CC : D’où le titre « Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé ». Pourquoi avoir choisis ce titre ?
MAOB : En fait, c’est le titre d’un long poème, qui est une adresse à mes enfants. Il s’agit d’un poème écrit il y a 22 ans quand mon fils est venu au monde et que j’ai repris lorsque mes filles sont venues au monde à leur tour. C’était d’abord un poème avant de devenir le titre d’un roman. J’en ai fait le titre du roman parce que c’était une évidence lorsque j’ai commencé à parler de la paternité de mon narrateur. Je me suis rendu compte que ce qu’il dit à sa fille est exactement ce que je dis à mes enfants, ce que je leur souhaite dans la vie.
CC : Ce roman est calqué sur une partie de ta vie si je ne me trompe.
MAOB : Oui, il y a forcément des parts de moi. Ce que je mets dans la voix de mon narrateur est ce que je pense. Je n’invente rien, c’est mon rapport à cette musique, le rapport à la vie d’artiste (que je connais), mais ça reste un roman qui parle de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas un récit auto biographique, mais il y a forcément des parts de moi, par rapport à ma vie d’artiste, celle d’un papa souvent sur la route.
CC : À travers AL qui est originaire de la Tanzanie, l’un des personnages du livre, on vit l’histoire du jazz, de l’Afrique en Amérique en passant par l’Europe. Est-ce aussi une façon de parler du voyage du jazz ?
MAOB : Absolument. Ce personnage est une figure tutélaire pour le narrateur, il lui ouvre les portes de son band, il le prend sous son aile et devient un père pour lui. Il incarne le jazz. Le narrateur dit à un moment : « Al était jazz ». Ce jazz est celui des origines, qui vient de la terre mère, qui a voyagé, qui a été arraché, qui a survécu et qui s’est réinventé. C’est le même bleu à l’âme, le même blues, le même espoir. Je souhaitais que le jazz soit incarné par un être, un personnage, sans rappeler la source du jazz. Al me permet de le dire.
CC : Dans l’écriture de ce livre, tu mêles le français à l’anglais, au Swahili et à d’autres langues, il y a aussi des titres de standards de jazz qui rythment les paragraphes, le lecteur qui ne connait pas le jazz peut-il lire ton livre ?
MAOB : Le lecteur qui ne connait pas le jazz et qui entre dans le livre par l’amour peut le lire. L’Amour est universel. Il peut lire une histoire d’amour en écoutant du jazz, en se laissant happer, en allant à la découverte. Et c’est pour cela que je fais une sorte de jeu de piste à un moment. Je ne mets pas noms des musiciens, mais j’invite le lecteur à aller chercher. Lorsque le narrateur dit Miles D. le lecteur va chercher qui est Miles D. ? Ceux ou celles qui connaissent le jazz savent de qui il s’agit. Pour le lecteur qui ne sait pas de qui il s’agit, il ira chercher cette information sur internet. C’était aussi une façon de démocratiser cette musique qui parfois passe pour une musique élitiste. Elle a ses codes, son langage. Je me suis dit qu’il y avait de la place pour lancer des invitations à des gens qui ne sont pas férus ou spécialistes du jazz, qui peut être au détour d’une page peuvent se demander qui est Thelonious M. ou Chet B. ? Le livre s’adresse à tout le monde. Celui qui connait « Love Supreme » sait qu’il s’agit d’une œuvre de John Coltrane. Celui qui ne le sait pas, verra juste un titre de chapitre en anglais et lira le livre sans forcément se poser toutes ces questions. C’est une invitation. Si l’histoire te parle tu te laisses embarquer, dans le cas contraire tu poses le livre.
CC : Écoutais-tu de la musique lorsque tu écrivais ce livre ?
MAOB : Oui, j’ai vraiment replongé dans cette musique, c’était un bonheur de le faire, j’écoutais mes vieux vinyles à la maison. Depuis quelques années, le vinyle est redevenu beaucoup plus accessible. J’écrivais en musique. J’ai écouté des artistes standards et des artistes un peu plus contemporains, qui pour moi seront des classiques demain. Que ce soit Etienne Mbappé, Lionel Louéké, Richard Bona et bien autres.
CC : Comment résumer ton livre en quelques mots ?
MAOB : C’est une romance Jazz, un roman monde, un roman libre, une invitation à mener sa vie autant qu’on le peut, adossé à l’amour quel qu’il soit. L’amour plus grand que nous, un chemin, parmi d’autres, qui conduit à la paix.
Propos recueillis par Samuel Nja Kwa
Marc Alexandre Oho Bambe sera en dédicace :
Jeudi 19 octobre 2023 19h à la Librairie Le Jardin des lettres à Capronne
Vendredi 20 octobre 2023 à la librairue Garin à Chambéry
Mercredi 25 octobre 2023 à 19h à la librairie Le Bateau livre à Lille
Jeudi 26 octobre, de 17h30 à 19h30, Librairie Studio Livres à Abbeville
Jeudi 23 novembre, à 18h Espèce Culturel Leclerc à Pau
Jeudi 30 novembre, Librairie Jean Jaurès à Nice