Maboula Soumahoro, une identité noire
Par Éléonore Bassop/Photos : Patricia Khan
Maboula Soumahoro est docteure en civilisations du monde anglophone et spécialiste en études africaines-américaines et de la diaspora noire/africaine. Elle est maîtresse de conférences à l’université de Tours et présidente de l’association française Black History Month, dédiée à la célébration de l’histoire et des cultures noires. Maboula Soumahoro est une personnalité bien connue des cercles intellectuels français et africains-américains. Chacune de ses prises de parole est analysée disséquée et souvent incomprise.
La question noire est au cœur de cet essai, qui explore avec tact l’éparpillement et les pérégrinations de ces corps formant une diaspora. Le parcourir, c’est aller à la rencontre de l’autrice et de sa propre histoire de femme noire française, et à l’histoire de l’Atlantique. Ce voyage triangulaire où se sont entrecroisées des générations de personnes d’ascendance africaine, entre Afrique, Amérique et Europe. De l’esclavage à l’immigration, en passant par la colonisation.
Qu’est-ce qu’une diaspora ? Comment nommer cette diaspora des personnes d’ascendance africaine ? Diaspora noire ? Diaspora africaine ? Quelle prégnance de nos corps noirs dans le monde occidental ? Qu’est-ce que ces noirs diasporiques ont en commun ? Autant de questions auxquelles Maboula Soumahoro nous donne des pistes de réflexions. Rien de péremptoire, rien ne nous est asséné. Des analyses scientifiques nous sont livrées. Le lecteur est sollicité par des questionnements afin d’en apprendre davantage et à poursuivre le travail de recherche.
Il est à noter qu’en France, les domaines d’études africaines, les études sur les diasporas ou les études sur le monde noir sont encore très peu répandus dans le champ académique, les chercheurs doivent souvent partir aux États-Unis pour se spécialiser, ce fut le cas pour Maboula Soumahoro.
L’Afrique, Maboula la connait peu ou mal, si ce n’est à travers des récits que lui en a fait sa mère, originaire de Côte-d’Ivoire. Comment se réclamer alors d’un pays dont on sait peu de choses ? Comment parler une langue, le dioula, quand on ne l’a pas apprise ? Comment habiter une langue imposée par l’histoire coloniale ? Qu’est-ce que la langue maternelle, la langue apprise, la langue naturelle ? Ces interrogations découlent de la citation du philosophe Jacques Derrida : « Je n’ai qu’une langue et ce n’est pas la mienne » rapportée dans l’ouvrage.
Cet essai s’inscrit dans une tradition littéraire noire américaine dans laquelle s’entremêlent narration autobiographique et histoire des idées, illustrées d’extraits de chants tirés du Gospel, du Blues, du Jazz, du Rhythm’n blues, du Reggae. Pour Maboula Soumahoro, élevée en banlieue parisienne, le rap est très important dans la mesure où les artistes arborant cette musique sont les chroniqueurs de leur quotidien.
En France, « Le triangle et l’hexagone : Réflexions sur une identité noire » est une urgence. Tandis qu’aux États-Unis, l’ouvrage suscite un regain d’intérêt pour cette diaspora noire européenne si proche et si lointaine.
A lire : Maboula Soumahoro, Le triangle et l’hexagone : Réflexions sur une identité noire, éditions de La Découverte en 2020.