MIDEM 1967-2021

Par Alain Bidjeck

Le 15 décembre 2021 Le MIDEM s’est éteint. J’ai toujours considéré les événements comme des êtres vivants doués de pouvoirs fascinants : Réunir, inspirer, émouvoir, transcender.

Laissez-moi vous raconter rapidement l’histoire de celui dont nous saluons aujourd’hui la mémoire.

MIDEM de son nom complet, Marché International de l’Edition Musicale, est né le 3 février 1967 dans la ville de Cannes  sur les bords de la French Riviera. Miraculé, il a pour unique créateur le producteur Bernard Chevry, qui eut l’audace et l’inspiration de réunir pour l’occasion les professionnels de l’industrie musicale pendant plusieurs jours. 

Lancé en plein âge d’or du vinyle, cette même année où se tutoient en haut des “charts” les Beatles, les stars de la Motown, 67 c’est aussi l’année de la réédition de Pata Pata, le tube de Miriam Makeba, Mama Africa.

Midem va instituer un rituel qui va durer  près de 55 ans. De 1500 participants lors du lancement, ils seront dans les grandes heures, plus de 10000 professionnels à s’y retrouver autour de conférences, networking, concerts… Dans ce monde d’avant internet, se rencontrer pour signer des deals à l’échelle continentale n’était à la portée de tous, surtout pendant l’âge d’or du CD, qui permit à l’industrie de passer à l’échelle globale grâce aux stars de la pop tels que Michael Jackson, Whitney Houston, Madonna…MIDEM devient alors le premier rdv mondial de l’industrie musicale.

Ce statut est précieusement préservé jusqu’à ce qu’à l’avènement d’Internet, du MP3, du Streaming…et puis arriva le Signe tant attendu : 2012 le chanteur coréen Psy auteur de « Gangnam Style »  atteint le record de 1,2 milliard de vues sur Youtube et réalise 8 millions $ de recettes publicitaires. L’ensemble de la profession sait que dorénavant l’économie de la musique a engagé une évolution irréversible de son modèle et avec lui une transformation des métiers du secteur. Qui saura résister à cette vague ? 

Face à l’ascension du web et à l’évolution des usages, faut-il encore se déplacer pour se rencontrer et échanger ? Dans ce contexte de mutation intense notre MIDEM s’adapte, en invitant à sa table ces nouveaux acteurs du digital : YouTube, Spotify, Believe, afin de confronter leurs plans d’actions aux réalités d’un secteur qui peine à intégrer cette révolution. Il doit aussi ouvrir ses portes plus largement aux professionnels longtemps restés en marge cette grande messe.

D’année en année l’Asie avec la  Chine, le Japon, la Corée, l’Amérique du Sud et puis l’Afrique sont invités aux échanges. C’est là que MIDEM et moi nous sommes rencontrés pour de vrai, au lendemain de ses 50 ans.  En Afrique 50 ans c’est l’âge de la maturité, en Europe, on parle surtout de crise et le besoin de se renouveler, l’envi de prendre le large, de découvrir de nouvelles sonorités. MIDEM prend pour la première fois l’avion vers l’Afrique, continent de toutes les attentes, des fantasmes et appréhensions. Le nouveau directeur Alexandre Deniot me confie la coordination du voyage pendant 3 ans. A ma charge d’organiser les Midem Africa Forum sur place, d’identifier les acteurs clés, de faciliter la relation entre ce jeune quinquagénaire et les professionnels africains. Destination  Lagos, Johannesburg, Abidjan, Brazzaville, Dakar, Douala… Un succès !

Ces voyages présentent de belles propositions en termes de contenus pour les conférences, les ateliers, les concerts et de nouveaux challenges en termes de structuration pour ces territoires. Pour le MIDEM c’est l’opportunité d’enrichir sa programmation de nouveaux rythmes. Désormais la place est faite aux nigérians Davido, Femi Kuti, Yemi, Alade, et aux Sud-africains dont Black Coffee est la tête de file. En ce qui concerne les besoins d’accompagnement, bien que les pistes ne manquent pas…c’est un chemin que ne peut emprunter notre événement qui vient de fêter ses 53 ans.

Et soudain la guerre contre la Covid 19 éclate, MIDEM est touché. Il résiste adapte son format sur le digital : la fréquentation suit…mais pas le modèle économique. Le corps s’affaiblie malgré le génie et la persévérance des équipes qui opèrent au quotidien. 

Le 15 décembre 2021 à 55 ans MIDEM s’éteint dans la stupeur générale.   

Il avait encore tellement de projets à  mener… la nouvelle génération d’artistes, CKay, Wizkid, Bad Bunny, BTS… lui laissait pourtant entrevoir de nouvelles  possibilités.

C’est avec le cœur lourd que je vous annonce son arrêt définitif. Mais qu’il soit en paix son héritage est sauf, l’industrie musicale, plus vivante que jamais, grandit. Son passage remarqué en Afrique aura également laissé une empreinte indélébile. 

Au nom de la profession et particulièrement des professionnels Africains, je tiens à remercier l’ensemble des équipes du Midem pour leur engagement à servir la Musique, pour leur accueil chaleureux en toute circonstance et bien sur la qualité irréprochable de leur travail. 

Bon vent à vous. 

Comme on dit chez moi, « un lion ne meurt pas il dort ! ». 

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