Rencontre avec Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de la CGLU-A

Jean-Pierre Elong Mbassi, « Transmettre c’est survivre »

Monsieur Jean-Pierre Élong Mbassi, Secrétaire Général chez Cités et Gouvernements

Locaux Unis d’Afrique (CGLU-A), s’est illustré pendant la huitième édition du Sommet Mouvement d’Afrique Créative MOCA qui s’est tenue à Rabat les 18-19-20 mai 2023, par la pertinence de sa vision sur la culture comme vecteur principal du développement du continent. Le Label Afrique Créative a réuni pendant son sommet les plus grands opérateurs économiques de la culture dans le cadre de « Rabat capitale africaine de la culture », agenda 2022. Monsieur Jean-Pierre Elong Mbassi revient sur les recommandations du MOCA.

« Nos sociétés de droit d’auteurs une à une dans nos pays ne valent rien, il faut qu’il y ait une capacité de négociation continentale pour que nous soyons à même de peser. »

Couleur Café : Monsieur Jean Pierre Élong Mbassi, votre rôle central au développement intellectuel et structurel de l’Afrique s’engage dans la transmission, quel en est le moteur ? 

Jean-Pierre Élong Mbassi : Nous avons un temps limité, on vit 90 à 100 ans, tout au plus, si on a de la chance. Notre vie ne vaut-elle pas que par la survivance ? Si nous ne transmettons pas, nous nous condamnons à mourir, si nous transmettons, nous survivons.

CC : Pendant le sommet économique sur la culture, MOCA, vous avez insisté sur la prégnance, « qu’avant nous existe la culture, ainsi donc elle nous survit ». Comment comprendre ce message ?

J.P.E.M: C’est simple, vous êtes un individu qui naît dans une société. Et c’est toute la société qui vous désigne déjà en tant qu’individu, puisqu’il vous est donné un nom. Vous grandissez dans un environnement culturel et cet environnement culturel prime. Parce que vous mangez, ensuite parce que vous croyez, enfin par les aspirations auxquelles votre environnement vous a habitué. C’est à partir des territoires que vous vivez, les valeurs qu’ils ont inculquées pour pouvoir vous projeter dans le monde. Et à la fin de votre vie, quand vous allez être enterré c’est encore la société à travers les US et coutumes de votre territoire que vous êtes enterré. C’est la société qui procède à la fin de votre vie. Donc, au commencement était la culture, à la fin sera la culture.

CC : Le sommet a été marqué par vos interventions, vous en êtes une remarquable ressource, vous l’avez ouvert, avez eu un discours empreint de la vision à incarner, puis modérateur sur les questions de monétisation de la culture. Plusieurs sessions sont revenues sur la situation des artistes sur le continent, plus précisément leur circulation, certains participants n’ont pu se rendre à Rabat faute de visa. Ce problème peut-il être, à l’avenir, résolu ou pris en charge par la CGLU Afrique ?

J.P.E.M: Je suis lancé sur la problématique depuis très longtemps, nous avons en 2006 initié à Nairobi au Sommet Afrique Cité, lors de sa quatrième édition, l’initiative tendant à une vision continentale. Les maires ont mis comme toute première condition, que le développement de l’Afrique passe par la libre circulation des populations. Disons quelque part pour nous cette préoccupation a toujours été là. Mais dans un monde d’État, lever les frontières est relativement difficile. Thomas Sankara disait : « chaque soir, chaque matin, les populations abattent les frontières que les soirs elles existaient encore. » Ce n’est pas le problème des collectivités territoriales de régler les problèmes de visa mais nous ferons toujours pression pour que ce problème de visa soit une des préoccupations. Nous savons, comme le disait Krumah, que lorsque l’Afrique sera unie, et elle est sans frontière, c’est à ce moment-là qu’elle sera développée.

CC : quelles recommandations retenez-vous du MOCA 2023 à Rabat ?

J.P.E.M: J’ai principalement retenu quatre recommandations. D’abord la nécessité de régler les problèmes liés au copyright et de préservation de la propriété intellectuelle, qui engagent tout le monde, les opérateurs, les artistes. On soutient cette proposition, on aimerait qu’elle soit portée au niveau de la rencontre des Ministres qui s’est tenu les 22 et le 23 mai, puis la rencontre des maires les 24 et 25. On espère bien que le  Ministre marocain de la culture soutiendra la question lors du comité technique et spécialisé de la culture qui se tient à Addis Abeba les 25 et 26 mai. C’est quelque chose qui peut aller relativement vite. La deuxième idée que je retiens, c’est que ce think tank sur le droit d’auteur doit propulser, ce que probablement il faut qu’on regarde, comment faire un groupe de travail, au sein de l’Union Africaine, chargé d’une plateforme régulatrice. Nos sociétés de droits d’auteurs une à une dans nos pays ne valent rien, il faut qu’il y ait une capacité de négociation continentale pour que nous soyons à même de peser. Tous les grands groupes qui gèrent les plateformes de streaming pèsent tellement lourd, même des pays comme la France sont en train de réfléchir dans ce sens. La troisième idée que je tire de ce sommet, est qu’il puisse émerger des places commerciales, des routes culturelles en Afrique pour que la culture joue son rôle dans l’intégration africaine et à l’accélération de la zone de libre échange culturelle africaine. La quatrième idée, est cette fameuse proposition de créer un forum économique de la culture. Il faut que la culture émerge non seulement comme un élément d’ancrage de son estime de soi mais un secteur économique.

CC : Le MOCA n’est-il pas ce forum économique ?

J.P.E.M: Non parce que le MOCA regroupe que les professionnels, le MOCA ne regroupe pas les banquiers, il ne regroupe pas les juristes et tous ceux qui sont dans l’écosystème. Le MOCA est une partie de cet écosystème.

Propos recueillis par Dia Sacko & Samuel Nja Kwa

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