ZISKAKAN, une langue, une histoire, une identité
Si le créole réunionnais marque l’identité de l’île, le groupe Ziskakan en est l’incarnation. Les membres du groupe, pendant plus de 30 ans, ont bravé les interdits pour donner à leur belle langue, le créole, ses lettres de noblesse.
Ce documentaire retrace l’histoire d’un peuple, à travers ce groupe de musique, qui s’est opposé l’idée d’une langue dominatrice, le Français, imposé par la France colonisatrice. A travers le créole, ce sont des contes et des comptines qui renaissent, des anecdotes, des adages, des souvenirs. Ainsi est-il important de l’écrire, de l’apprendre, de la chanter et de montrer combien cette langue est belle, combien elle est importante pour la survie du passé et pour construire un avenir. C’est à travers une langue qu’on transmet, c’est aussi à travers elle qu’on apprend et qu’on raconte.
Sébastien Folin, journaliste et producteur du film, est réunionnais. Alors qu’il vit à Paris, il ne s’est jamais posé de questions sur l’histoire de son île. C’est en vivant à Paris que les questions fusent : « Qui suis-je ? Cette question n’est pas que philosophique. Elle est hautement politique. Je ne me la suis jamais posée tant que je vivais à La Réunion. Puis arrivé à Paris, il a fallu que je me définisse. Français d’ailleurs. D’ici et de là-bas, avec une injonction à m’intégrer dans mon propre pays en effaçant la complexité de mon identité, asiatique, africaine, européenne. » Il se rend compte qu’il connait très peu sa propre histoire. « En réalisant et produisant Ziskakan, une révolution créole, j’ai poursuivi cette exploration intime et découvert des aspects méconnus de l’Histoire de mon île. La violence sociale et politique de La Réunion post coloniale mais aussi le courage, la créativité et l’exigence intellectuelle de ces jeunes artistes et militants à peine sortis de l’adolescence. »
Le documentaire est à la fois une leçon de vie, de combativité et d’opiniâtreté. Comme pour donner à la langue créole un caractère universel, le réalisateur et producteur donne la parole symboliquement aux membres du groupe de musique Ziskakan, dont l’histoire se confond avec celle de la Réunion. Il souligne : « Que le film soit en créole sur une chaîne nationale est un puissant symbole pour la reconnaissance de cette culture longtemps étouffée. C’est évidemment une fierté de participer à la valorisation de la beauté de ma langue. »
Samuel Nja Kwa
Le documentaire « Ziskakan, Une révolution créole » vient de recevoir le prix coup de cœur de l’académie Charles Cros.