Jean-Philippe Fanfant, une âme de voyageur
En Guadeloupe, Les « Fanfant » sont connus pour être une grande famille de musiciens. 4 générations de musiciens en sont issues. Né en 1966, le batteur Jean-Philippe Fanfant évolue dans la musique depuis toujours. Après quelques années au service des autres, comme une renaissance, il embrasse une carrière solo avec ce premier album. Pour cela, il s’est entouré de la crème des musiciens. Il raconte.
Couleur Café : Since 1966 est le titre de votre album, est-ce aussi votre année de naissance ? Est-ce une façon de raconter votre carrière d’artiste ?
Jean-Philippe Fanfant : Je n’ai pas été chercher loin le titre de mon album. J’ai accompagné beaucoup de musiciens : De la Caraïbe, Mario Canonge, Ralph Tamar, Tony Chasseur, Dédé Saint-Prix, Kassav ; en variété française, j’ai joué avec Julien Clerc, Maxime Leforestier, Laurent Voulzy, Christophe, Christophe Maé, Louis Bertignac, Hubert Félix Thiéfaine, j’ai traversé différents styles entre le jazz, la variété et la musique caribéenne. Et puis il y a des émissions de télévisions comme The Voice ou Nouvelle Star. J’ai eu pas mal d’expériences, j’ai beaucoup travaillé pour les autres et j’ai eu envie de faire mon premier album. Ce n’est pas une rétrospective mais je dirais que depuis mon année de naissance, il s’est passé beaucoup de choses. J’ai travaillé avec énormément d’artistes, ça m’a forgé, ça m’a formé, ça m’a façonné dans ma façon de jouer et d’être. C’est ce que j’ai voulu retranscrire dans cet album.
Couleur Café : L’album commence avec Kanari Conakry, la capitale de la Guinée, raconte-nous…
Jean-Philippe Fanfant : Au tout début de ma carrière, j’ai joué avec le Angélique Kidjo, puis j’ai enchaîné avec groupe sénégalais Touré Kunda, il y avait un percussionniste de la Guinée Conakry qui jouait des rythmes qui m’ont rappelé la Guadeloupe, et moi je lui ai joué des rythme de la Guadeloupe et lui me disait que ça venait de son pays. On s’échangeait nos rythmes et lorsque j’ai fait mon album, j’ai voulu rendre hommage aux rythmes de la Guinée Conakry, d’où le titre Kanari Conakry. Le kanari aux Antilles, c’est le “fait-tout” : C’est la marmite dans laquelle on prépare le plat familial.
C. C. : C’est une histoire d’aller – retour
J-P. F. : L’Afrique nous a forgé dans notre histoire, elle nous a permis d’être authentique, avec notre culture, Caribéenne.
C. C. : C’est aussi un album où on retrouve une kyrielle de musiciens
J-P. F. : J’ai fait intervenir mes amis. Guy est un amis de longue date. Lorsque j’ai fait le casting pour cet album, je savais ce que je voulais entendre, il y a Thierry Vaton au piano, Max Mona qui joue de la flûte des Mornes, Olyza Zamati qui est de la Côte d’Ivoire, chante en Bambara ; je recherchais aussi un bassiste qui ferait le lien entre la musique africaine et la musique antillaise, j’ai pensé à Guy Nsangué, qui a joué longtemps avec le groupe Kassav’. C’était le bassiste idéal pour ce morceau. Il y a aussi le batteur Manu Katché, qui me rejoint sur le deuxième titre, Left to Right.
C. C. : Qui est left et qui est right ?
J-P. F. : Left, c’est souvent moi, je suis souvent à gauche, et right, c’est Manu Katché. Et lorsqu’on écoute cette chanson, on peut s’amuser à écouter l’un ou l’autre, mais il faut tendre un peu l’oreille. Sur ce titre, il y a aussi Franck Nicolas, qui joue de la conque et de la trompette, il a fait un travail remarquable. C’est un rythme léwoz, de la Guadeloupe, que j’ai mélangé avec de la samba-reggae. Je suis aussi ravi que Roger Raspail ait pu participer à cet album.
C.C. : C’est un album assez éclectique, on part d’Afrique, on passe par Cuba, on se retrouve aux États-Unis, puis en Guadeloupe, on voyage.
J-P. F. : Dans le troisième morceau, Oh Happy J, j’ai fait appel au saxophoniste Afro Américain Allen Hoist qui a scaté comme à New York. J’ai eu la chance de voyager, je me suis nourri de mes voyages, j’ai appris des musiciens que j’ai rencontrés.
C.C : Quelles sont les musiques de ton enfance ?
J-P. F. : J’ai commencé par la musique antillaise parce que mes parents écoutaient du Kompa, des cadences. À l’adolescence, j’ai aimé le reggae, la période de Bob Marley, Burning Spear, et parallèlement j’ai écouté du rock. Le jazz est arrivé un peu plus tard. C’est une musique qui casse les barrières, qui permet d’innover.
C.-C. : Tu es né dans une famille de musiciens, comment ça se passait à la maison ?
J-P. F. : Mes parents sont musiciens, mes oncles sont musiciens, nous sommes une famille de musiciens depuis quatre générations. On avait un grand appartement dans une banlieue parisienne, et mes parents avaient aménagé la cave en studio de répétition. Les musiciens venaient y répéter assez fréquemment et c’est là que je me suis familiarisé avec les instruments.
C. C. : Comment tu as choisi ton instrument ?
J-P. F. : J’ai commencé par le piano à l’âge de 10 ans, j’ai arrêté trop tôt, ensuite j’ai touché à la basse, mais mon frère avait déjà pris la place, alors je me suis tourné vers les percussions, puis la batterie. J’avais un oncle batteur, qui s’appelait José Fanfant. Dans les années 50, il faisait du jazz. Je me souviens qu’un jour, il est entré dans ma chambre et m’a proposé de m’apprendre à jouer de la batterie. Je le regardais jouer des balaies sur un livre, c’était d’une telle finesse, j’étais émerveillé. On l’appelait King Fanfant.
C.C. : Quels sont les batteurs qui t’impressionnent aujourd’hui en France ?
J-P. F. : J’aime beaucoup Manu Katché, il y a aussi Paco Séry, qui est phénoménal, Moktar Samba. Chez les jeunes, j’aime bien Arnaud Dolmen et Sonny Troupé.
C. C. : Lorsqu’on regarde la pochette de ton album, il y a un côté vintage, c’est voulu ?
J-P. F. : C’était le but. C’est une pochette en noir et blanc, intemporelle, on a sorti aussi l’album en vinyle, c’était le mot d’ordre. Et dans les sons, l’ingénieur a réalisé un mix sans “reverb”. L’album a été re-masterisé à New York par Dave Darlington, il a un son très chaleureux, intemporel.
C.C. : Quels rythmes de la Guadeloupe sont joués dans ton album ?
J-P. F. : Dans le morceau Oh Happy J, il y a un rythme Lewoz joué par Roger Raspail, ensuite il y a des mélanges. Dans le morceau Peyi Beni, qui à la base a été écrit par mon père, Guy Fanfant, dans les années 70, j’ai fait une version instrumentale, c’est pour cela que ce titre s’appelle V2, je joue des bouladjels, c’est un rythme du gwoka. René Geoffroy reprend ce rythme à la bouche, il nous emporte en Guadeloupe.
C.C. : Peut-on dire que tu t’inspires de tes traditions ?
J-P. F. : Je pars souvent d’un rythme traditionnel, de ma base guadeloupéenne, que je mélange avec mon expérience de voyageur.